Parler d'une façon linéaire des Cosmogonies Orphiques est chose difficile, tant les sources diffèrent,
 
                  que ce soit par leurs auteurs ou par leurs datations.
                  A ce jour, le texte de référence le plus souvent cité est celui d'Aristophane, extrait de la comédie "Les Oiseaux"  (-414). L'auteur, s'inspirant d'un ou  plusieurs thèmes orphiques probablement connus des gens de son époque, 
                  donne  une version de la Cosmogonie qui -bien que s'inscrivant dans le cadre satirique et polémique de la pièce d'Aristophane- n'en demeure pas moins fort instructive. 
                  La seconde source  est une série de textes connus sous le nom de Cosmogonies Rhapsodiques, dont la rédaction se situe
 
                  aux alentours  du début du IIème Siècle de notre  ère, mais qui s'inspire d'éléments très anciens, remontant certainement
 
                  au Vème  Siècle Av. J.C.   ( (1) )
                  (Notre opinion  personnelle est que la genèse de ce courant de pensée se situe dans un passé encore plus lointain,
 
                  quitte pour  cela à relancer la polémique sur une tradition Orphique pré-Homérique non  écrite). 
                       Ces textes, qui dans leurs versions  originales, donnaient sans doute une vision fidèle de la pensée orphique,
  
                  subirent au cours des siècles de profondes modifications. Particulièrement  pendant la période qui suivit la dispersion
 
                  de la tradition orphique et qui vit naître de nombreux courants parallèles. (env.-Vème  Siècle).
 
                  Il s'ensuivit d'importantes divergences dans les récits théogoniques,  imputables naturellement aux différents courants 
                de pensée qui revendiquèrent ces textes. 
                     De plus, les  Cosmogonies Rhapsodiques nous furent transmises et commentées par les néo-platoniciens Proclus, Damascius et  Hermias, entre-autres, et par les apologistes chrétiens (n.Eusèbe de Césarée),  qui tentèrent d'exprimer l'orphisme au travers des schémas du courant de pensée  dont ils étaient les dépositaires.
 
                  Il en résulte, comme le souligne Luc Brisson: " que l'on  décèle dans ces textes des traces d'allégories stoïciennes, et
 
                  que l'on y  perçoit une influence néo-pythagoricienne et même médio-platonicienne".
                  Ce qui revient à  dire que la lecture et l'interprétation des textes orphiques, compte tenu de  leur évolution sur
 
                  près de dix siècles dans des contextes culturels différents,  et interpénétrés d'éléments issus d'autres Cosmogonies (Hésiode-Homère), soient  pour l'étudiant sources de perplexité. 
                  La difficulté venant aussi bien des  fréquents retours obligés dans le temps, que des nombreux problèmes philosophiques
 
                  ou historiques, soulevés par les apparentes contradictions qui ressortent de certains de ces fragments.
 
                  En  particulier les ordres différents proposés pour l'organisation de la Création,  ainsi que les noms multiples des divinités primordiales, mais qui évoquent  cependant le même Principe.    
                     Il faut enfin préciser que toute la littérature Orphique -et pas seulement les Cosmogonies-  se trouve  intimement liée 
                au monde des Mystères. Que ce soient ceux de Samothrace, d'Eleusis et de Dionysos.
 
                Et l'on pense à ce sujet que la poésie Orphique,  récitée et chantée, servait de préparation -et sans doute de support-
 
                aux  rituels effectués pendant les cérémonies sacrées.
                Car Orphée, fils  d'Apollon, joue de la lyre et chante sous l'inspiration divine. 
                  Il chante pour  les initiés la génération des Dieux et l'histoire du Dieu, la splendeur et le  mystère de la Création et
 
                  tel un Chaman, il évoque les éléments et les  puissances intermédiaires qui peuplent l'Univers. 
                  Il raconte la naissance, la  passion, le démembrement et la résurrection de Dionysos, et par son évocation,  conduit le myste à s'éveiller, puis à s'assimiler à son Dieu. Et enfin, il lui  enseigne comment profiter de l'extase mystérique pour comprendre l'origine de  toute chose et s'échapper ainsi du "Cercle  d'anxiété et de lourde peine".   ((2))
                  C'est-à-dire du  cycle terrible des réincarnations.
                  
                      Il faut donc  pressentir que toute cette littérature n'est que la partie visible d'une  doctrine à caractère ésotérique 
                 et non écrite, naturellement, si l'on considère  l'impossibilité, par les interdits et les serments qui liaient les initiés,
 
                 de  la divulgation des enseignements concernant les Mystères.
                  Car la voie  Orphique est une tradition qui concerne principalement les domaines magiques ou initiatiques, et qui révélait
 
                  à ses adeptes les voies qui menaient vers  l'immortalité.
                   
                  Les usages de vie  "des gens d'Orphée", comme on les nommait à l'époque, comportaient  des règles très strictes.  ((3))
 
                  Elles étaient en grande partie semblables à celles des communautés  Pythagoriciennes, qui reprirent d'ailleurs un grand nombre d'éléments de  l'Orphisme. 
                  Et comme le  rappelle G. Colli, "La connaissance devient aussi une norme de conduite, ou théorie et praxis  coïncident. 
                  Aussi bien qu'il existe un discours Orphique ancien qui évoque les  "chemins", ceux qu'il convient de suivre et ceux à éviter;  "Ceux des initiés et ceux du commun".
                  
 
                      Les différentes voies ou sentiers... Allusion qui reviendra à l'époque des Sages, chez Héraclite, Parménide et Empédocle.
                  Il suffit  d'ailleurs de lire les Purifications d'Empédocle pour être convaincu sans effort de l'influence de l'Orphisme et du Pythagorisme sur l'oeuvre du  mage-philosophe d'Agrigente.