6. NEMESIS. ( Vengeance divine).
Fille de Nyx (la Nuit), Némésis, qui représentait à l'origine le "comportement convenable", personnifie dans la mythologie classique la vengeance divine. Elle veille à ce que l'homme ne commette aucun acte susceptible de perturber l'ordre du Monde et sanctionne toute action qui dépasse la mesure juste.
Elle prend garde à ce que personne, que ce soit en bien ou en mal, ne s'élève au-dessus de la condition que lui ont fixée
les Destins et paraît chaque fois que la Loi (Thémis) à été offensée.
Mais Némésis n'aide pas, ne récompense pas, ni ne facilite les choses. Justicière implacable, sa personnalité est essentiellement liée au châtiment de quiconque faisant preuve de démesure ou d'orgueil.
Elle est en quelque sorte le bras armé de l'Equité et de la Justice.
On trouve dans les racines de son nom les notions de "culpabilité", "d'indignation", ou de "répartition de la justice". (Némésitikos : indignation devant un excès de bonheur).
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7. MNEMOSYNE. (Mémoire).
La Titanide Mnémosyne est la personnification de la Mémoire et détient les souvenirs du Monde et de sa création.
Elle s'unit à Zeus durant neuf nuits, et lorsqu'une année se fut écoulée, elle accoucha de neuf filles: les Muses. ( (1) )
= Cette déesse tient une place importante dans les Mystères Orphiques.
Deux sources coulaient à l'entrée des Enfers, Léthé et Mnémosyne: Oubli et Mémoire.
En se désaltérant à la source de Mnémosyne, l'âme de l'initié obtenait le pouvoir de se ressouvenir de ses origines célestes et de mettre en oeuvre l'enseignement reçut pendant la célébration des Mystères.
Il lui était ainsi possible de reconquérir sa divinité perdue -ou oubliée- et d'échapper à jamais au cycle des renaissances.
( (2) )
Voici la recommandation d'un ancien texte Orphique pour l'Ame d'un défunt :
A l'entrée de la demeure d'Hadès,
Tu trouveras sur la gauche une source près de laquelle se dresse un cyprès blanc.
De cette source ne t'approche pas.
Tu en verras une autre, dont l'eau fraîche jaillit du lac de Mnémosyne.
Devant elle veillent les gardiens. Dis-leur :
Je suis l'enfant de la Terre et du Ciel étoilé et ma lignée est céleste, vous le savez...
Je suis desséchée par la soif et je meurs,
Donnez-moi vite l'eau fraîche qui s'écoule du lac de Mémoire.
Alors, ils te laisseront boire à la source divine
Et comme les Héros, tu régneras...
Lamelle d'or Orphique, Pétélia, IVè S. av. J.C. (Trad. Y. Thanès)
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8. HYPERION / THEIA.
PHOEBE / KOEOS. ou (KOIOS)
Hypérion, dont le nom signifie "qui parcourt les hauteurs" "qui est au-dessus", est considéré comme "l'Oeil du ciel",
"Celui qui voit tout". Il fut très tôt assimilé au Soleil lui-même.
Ainsi, dans un vers de l'Odyssée, il est nommé "Hélios Hypérion".
De l'union du Titan Hypérion et de Théia (la divine, "Celle qui brille au loin"), naîtront les grands luminaires,
Séléné : la Lune, Hélios : le Soleil et Eos : l'Aurore.
On trouvera aussi dans sa descendance les principales divinités atmosphériques, les Vents réguliers et l'Etoile du Matin.
Tandis que le couple Phoebé / Koeos sera à l'origine d'une descendance qui verra naître un autre couple soli-lunaire: Apollon et Artémis, ainsi qu'Astéria: l'Etoilée. (V. Tab.)
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9. KRONOS.
Il convient, pour commencer, de rappeler que le nom du Titan Kronos , n'a rien à voir avec le nom du Temps: Chronos .
Il est certain qu'Hésiode (Th. 185), fait allusion au Temps quand il parle "des années" qui suivirent l'émasculation et qui virent "l'apparition des Géants, des Erinyes et des Nymphes Méliennes".
Mais Kronos ne représente pas ces "années". Il est celui par qui les années -le Temps- peuvent se manifester.
Car l'acte du Titan contre son père Ouranos, en mettant un terme à la prodigieuse fécondité de ce dernier,
allait déclencher un processus ayant pour effet secondaire la séparation d'Ouranos et de Gaia.
Et c'est à partir de cette séparation Ciel/Terre -dans la vacuité ainsi formée- que le monde allait se déployer, tandis que Nyx et Héméra (Nuit et Jour), pouvaient commencer à alterner leur présence.
Et les Puissances Primordiales se libérant du sein de Gaia, allaient se répartir dans l'Espace et créer entre Ciel et Terre
leurs cycles propres, puis engendrer à leur tour d'autres Eléments, affinant ainsi la Création.
En s'autorisant un léger raccourci, on peut dire que le Temps est en quelque sorte la résultante de l'acte du Titan Kronos, puisque cet acte a pour conséquence d'installer l'Univers dans les cycles et de proposer aux énergies qui l'anime
-c'est-à-dire à ses habitants- l'expérience de l'Etre, de la durée, du changement et des métamorphoses.
Le Temps, comme divinité, ne possède pas de légende et ne joue aucun rôle dans la mythologie classique ( (3) ).
L'apparition du Chronos divinisé semble provenir des Théogonies Orphiques tardives (Théogonies Rhapsodiques), influencées par le stoïcisme et la philosophie néo- platonicienne, et dont la rédaction se situe aux alentours
du IIème Siècle Ap. J.C.
Ces textes, dont les sources pourraient remonter au Vème Siècle Av. J.C, nous présentent Chronos comme "Père de tout ce qui est" ou "du Temps éternel qui ne vieillit pas".
Au début, tout n'était que brume et obscurité...
Et le Temps sans fin, immémorial et sage,
Engendra Ether et Béance...
(Théogonie Rhapsodique (d'après Proclus). Trad. Jacques Lacarrière)
En ce qui concerne l'étymologie de Kronos, rien n'est très clair et le débat reste ouvert.
R. Graves cite le mot Corônè: Corneille. D'autres pensent, comme origine possible, à la racine Keirô: "Couper, tondre";
et d'où viendrait le mot Kairios: "Circonstance favorable", "moment opportun", "saisir l'occasion...".
On peut considérer également le mot Corônos: "Qui est recourbé".
Et si l'on ajoute l'épithète de Kronos mentionnée par Hésiode Ankulomètes: "A la pensée torse, coudée", on peut admettre la convergence d'éléments nous rappelant comment Kronos, "Celui qui fauche", sut saisir l'occasion au moment opportun, armé d'un instrument aussi courbe que sa pensée...
Kronos est une divinité dont il est bien difficile de saisir la nature, tant les textes qui nous relatent son histoire sont riches en contradictions. La Cosmogonie d'Hésiode nous le présente sous l'aspect du fils castrateur "à la pensée fourbe",
puis sous la forme du père dévoreur engloutissant sa progéniture, et promenant, dans un règne difficile, son inquiétude
de voir la royauté céleste lui être ravie par l'un de ses fils.
Le même Hésiode, dans Les Travaux et les Jours, nous évoque l'Age d'Or de l'humanité sous la royauté de Kronos:
"C'était au temps de Kronos quand il régnait encore au Ciel, ils vivaient comme des dieux, à l'abri des peines et des souffrances. La vieillesse misérable sur eux ne pesait pas -et loin du désir insatiable et de la démesure- ils s'égayaient dans les festins, loin de tous les maux..." ( Hesiode, Les Travaux et les Jours: Trad. Paul Mazon)
Toujours dans les Travaux et les Jours, nous trouvons un fragment nous racontant comment Kronos, délivré de ses chaînes et réconcilié avec Zeus, fait "refleurir l'Age d'Or dans les Iles Bienheureuses,... aux confins de la Terre, aux bords des tourbillons profonds de l'Océan". ( (4) )
Enfin, Pindare, dans la 2ème Olympique (56-72), nous expose dans ce passage d'inspiration Orphique le destin des âmes libérées du cycle des renaissances:
"Tous ceux dont l'énergie a été suffisante pour demeurer à trois reprises dans l'un et l'autre monde, et qui ont préservé
leur âme des actes injustes, ceux-là suivent jusqu'au bout la route de Zeus qui les conduit à la tour de Kronos, là où des brises océanes soufflent, rafraîchissantes, autour de l'Ile des Bienheureux". ( (5) )
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