INTRODUCTION.
Bien que l'ensemble de ces textes - si on les compare à d'autres ouvrages de la littérature grecque - ne présente pas un volume important d'écriture, leur étude et leur compréhension précise nécessiterait un développement littéraire considérable. La difficulté ne provient pas seulement de la traduction des Lamelles elles-même (bien qu'une des Lamelles retrouvée à Thurii soit difficilement traduisible) mais bien plutôt de leur usage et de leur importance au sein des traditions religieuses et mystèriques auxquelles elles étaient liées.
Entre-autre la Tradition Orphique, l'école de Pythagore, les Mystères d'Eleusis -et même peut-être les Mystères des Cabires- à Samothrace.
Il serait donc indispensable, pour en discerner plus précisement l'esprit, de passer en revue les différentes traditions, les différents mythes, principaux et adjacents, auxquels ces textes font références.
Des lectures attentives d'Empédocle, du Papyrus de Derveni, de Pindare, des Cosmogonies Rhapsodiques ou des Argonautiques d'Apollonios de Rhodes, etc... , seraient également les bienvenues.
Quant aux traductions -et plus généralement les études contemporaines- se rapportant aux Lamelles d'Or, elles sont assez nombreuses et certaines, il faut le dire, décourageraient rapidement le lecteur ne possédant
pas un rudiment éclairé de la tradition héllénique et de sa langue.
Vous l'aurez donc compris, les pages qui suivent ne sont pas une analyse universitaire ou savante.
Elles sont une présentation simple où nous tenteront d'offrir au lecteur un panorama le plus complet et le plus fidèle possible de l'ensemble de ces découvertes.
Découvertes qui nous proposent de suivre le cheminement de l'Ame après la mort dans la Tradition des Mystères, et plus précisément dans ceux qui se réclamaient de l'Orphisme.
Les textes présentés sont extraits d'un ensemble de documents retrouvés depuis la première moitié
du 19ème siècle dans de nombreuses sépultures en Grande Grèce (Italie du Sud), en Thessalie et en Crète.
Tracés sur de minces feuilles d'or et placés près du défunt, ils devaient lui permettre de se souvenir des enseignements reçus lors de son initiation aux Mystères.
Ces lamelles proviennent d'endroits géographiquement éloignés et d'époques différentes.
Les plus anciennes datent du Vème siècle avant J.C. et les plus récents du IIIème siècle de notre ère.
Ce qui les caractérise, entre-autre, est l'unicité de leur message, se développant en une série de recommandations et d'exhortations, destinées à guider l'âme de l'initié sur les sentiers de l'Au-delà.
Ce qui permit à certains hellénistes d'associer leur contenu avec l' enseignements des livres égyptiens traitant du voyage de l'âme après la mort. (Livre des Morts, Livre des Portes, Livre de L'Amdouat... etc).
Ils sont cependant infiniment moins complexes que leurs homologues pharaoniques.
Mais on peut constater d'importantes similitude entre la cosmogonie des Orphiques et celle des Egyptiens, entre le mythe de Dionysos Zagreus et le mythe d'Osiris, entre les prescriptions ou les rites de l'Orphisme
et ceux des cultes égyptiens. La théorie de la migration des âmes, qui tenait tant de place dans les enseignements des Orphiques, était, d'après Hérodote, originaire de la vallée du Nil.
Ajoutons que ces doctrines, communes aux Orphistes et aux Pythagoriciens, selon toute vraisemblance, auraient été importés d'Egypte au XIVème siècle avant notre ère par des prêtres qui fuyaient la réforme monothéiste d'Akhénaton, et que leur théologie (transmigration, cultes solaires) se serait progressivement mêlée aux cultes Egéens.
Et l'on retrouve, dans les textes des Lamelles, en un mode précis , bref et très dense, des formules incantatoires et des injonctions qui, si elles diffèrent quant à la forme, présentent de nombreuses analogies ésotériques avec les livres égyptiens.
Y transparaissent également les mêmes certitudes.
La race des hommes est d'essence divine, mais, par conséquence d'une ancienne action, elle est aveuglée
par sa naissance terrestre, lourde et pesante, ce qui la précipite, à travers les cycles de la Roue de la Vie,
de naissances en renaissances, de Corps en Tombeau et de Tombeau en Corps...
Mais son union avec sa partie ancienne et lumineuse est possible.
Ceci
pouvait être envisagé par l'initiation aux Mystères, qui permettait au Myste de retrouver la certitude de
son origine céleste et de se souvenir de son noyau divin et immortel.
Noyau
aveuglé par sa nature titanique, violente et obscure, qui l'enchaînait au cycle sans fin de la Nécéssité et de la souffrance...
Mais on lit aussi dans ces deux corpus la même joie et la même exaltation.
Celle du défunt du Livre des Morts qui "devenu Osiris", renaît dans la Lumière de Ré, et celle de l'Initié
aux Mystères de Dionysos qui "...Au-delà les Prairies sacrées de Perséphône, bienheureux et triomphant, est un dieu immortel et non plus un mortel..."
Si l'on regroupait l'essentiel de ces textes pour en établir une continuité dramatique, (ce que nous avons fait au chapitre "Exégèse") l'on obtiendrait un schéma de progression qui donnerait ceci :
- La mort de l'Initié et son arrivée dans l'Hadès,
- le choix entre la Source de gauche et de droite. (Léthé / Mnémosyne)
- la question des Gardiens,
- l'évocation de sa vie, de ses souffrances et de sa condition mortelle,
- ses voeux de rédemption.
- Et enfin sa joie merveilleuse quand il proclame son appartenance à une lignée céleste.